VERRIERE DES PRISONNIERS

A YSSINGEAUX

UN TRESOR A L’EGLISE SAINT-PIERRE : LE VITRAIL DES PRISONNIERS

L’église Saint-Pierre possède des œuvres d’art, mais en ce mois de mai 2007 où la France va commémorer une nouvelle fois la victoire sur la barbarie et l’oppression, peu d’Yssingelais sans doute, savent que le plus monumental de ses vitraux symbolise les souffrances de leurs aînés, lors du dernier conflit mondial, en particulier les prisonniers de guerre. Il s’agit en effet de la grande verrière qui se situe au-dessus de l’orgue, sur la façade ouest de l’édifice. Mgr Martin, évêque du Puy-en-Velay a procédé à la bénédiction de la grande "verrière des prisonniers" réalisée par les ateliers d'art Mauméjan frères à Paris. Ce vitrail aurait s'appeler "délivrance de saint Pierre"

Dédié à la souffrance
Ce magnifique objet d’art de près de vingt mètres carrés fut installé à l’initiative de Florentin Cursoux en 1944, en hommage aux nombreux prisonniers de guerre yssingelais, dont certains furent retenus dans les stalags nazis plus de cinq années ! Déjà en 1943, le curé Cursoux avait fait part de son projet et s’était adressé à une des plus grandes maisons de Paris dont les chefs-d’œuvre à travers la France ne se comptent pas : les ateliers d’art Mauméjean et Frères.  « J’ai pensé, écrivait-il, que la réfection de notre grande verrière était une occasion de rappeler à ceux qui nous suivront, le souvenir de cette douloureuse époque qui est marquée par la  longue souffrance de nos prisonniers. Le vitrail leur sera donc dédié. Ils seront heureux, je pense, à leur prochain retour dans leur cher Yssingeaux, de constater que, si nous leur avons prodigué, selon nos moyens, les secours matériels, nous avons voulu, de plus, que leur dur sacrifice soit représenté face au crucifiement du Divin Maître .»

Des verres taillés
La confection de l’œuvre avait donc été confiée à des artistes de choix. Certes, pour les connaisseurs, la trame des plombages donne à l’ensemble un aspect un peu rébarbatif, mais ce qui fait la grandeur, la richesse et la beauté de ce vitrail, surtout à l’heure d’un soleil couchant, c’est avant tout le jeu des couleurs. Les spécialistes soulignent que « le portique ornemental qui divise la scène en triptyques, est formé de verres épais taillés au marteau et de cabochons. Il exprime la gamme des ors et des ivoires de Rouen, avec des accents de roues de bourges. »
Dans le triptyque, Pierre est recouvert de lin bleuté, l’ange est vêtu de lumière, jaune et or, et ses ailes sont rouges. Les quatre soldats sont recouverts de la pourpre romaine, leurs cases, armures et épées sont dans des tons jaunes. L’escalier sur lequel l’ange et Pierre descendent, est illuminé de lumière pour refléter le passage du premier, et le paysage de fond représente Jérusalem dans la nuit étoilée. »

Une symphonie
Joseph Chave, érudit yssingelais avait ainsi commenté la splendeur du vitrail : « Une vie intense se dégage des visages de l’ange libérateur et de Saint-Pierre. Mais par suite de la distance, vus de la nef, les traits des visages s’effacent un peu et il ne reste que l’éblouissante féerie de teintes qui s’animent au soleil, telle la gerbe ardente d’un feu d’artifice… Ainsi donc, une symphonie ininterrompue de couleurs éclatantes, chantera désormais au-dessus de l’orgue, la fervente confiance d’une paroisse qui a voulu, à l’heure même où le monde pleure sur les ruines qui s’amoncellent, perpétuer magnifiquement sa foi, son souvenir et sa gratitude ». De nombreux dons avaient permis cette réalisation. Et c’est encore la générosité qui, avec le concours de la municipalité de l’époque, avait accompagné sa réfection en 1987 : cette année-là, le « vitrail des prisonniers »   avait été déposé et confié aux ateliers d’un verrier de La Bastide, Marc Soulier, pour y être démonté, remis à neuf et replacé. Un petit trésor qui mérite qu’on lève les yeux vers lui.

UNE ORAISON RECITEE CHAQUE MATIN
POUR LES PRISONNIERS DE GUERRE


Le curé Cursoux avait été inspiré par une oraison qui tout au long de la guerre, était récitée chaque matin à la messe aux intentions des prisonniers de guerre yssingelais : « O Dieu, qui avez délivré de ses liens le bienheureux apôtre Pierre, et l’avez rendu sains et sauf à la liberté, rompez aujourd’hui les liens de vos serviteurs qui sont en captivité et par les mérites de votre apôtre, accordez-leur la délivrance. »
Le thème iconographique rappelle la scène suivante : vers 44 après Jésus-Christ, Hérode Agrippa, ayant fait décapiter l’apôtre Jacques, frère de Jean, et ayant jeté Pierre en prison pour lui faire subir le même sort après la fête de Pâques, l’Eglise tout entière pria pour la délivrance de son chef. La veille du jour fixé pour l’exécution, un ange, rayonnant de clarté, l’éveilla, lui disant : « Ceignez-vous, mettez vos chaussures et suivez-moi. » Les chaînes qui le retenaient captif tombèrent sans qu’on eût besoin d’y toucher et il se mit à suivre l’ange. Le curé Cursoux confiait qu’il avait ainsi trouvé « le moyen de glorifier le chef des Apôtres, patron de notre paroisse, emprisonné par Hérode et délivré par l’Ange, et de rappeler le souvenir des chers absents qui souffrent en pays ennemi, tout en fêtant par avance leur délivrance ».

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