Une peinture classée monument historique
depuis plus d'un siècle.
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Le Christ en croix de l'église
Saint-Pierre
Une peinture classée monument historique depuis plus d'un
siècle.
Dans la période de Pâques, les paroissiens ont été
nombreux à se recueillir devant l'immense représentation
du Christ en croix qui domine le maître-autel de l'église
Saint-Pierre. Mais savent-ils tous que ce chef-d'uvre figure
parmi les richesses artistiques yssingelaises, puisque classé
monument historique depuis le 21 mars 1904 ?... Le tableau qui
date de 1831 est signé d'un peintre de talent : Xavier
Sigalon (1). On disait à l'époque qu'il s'agissait
là de " celle de ses oeuvres qui le manifeste le mieux
à l'heure culminante de son génie ". Commandé
en 1828 par le ministère de l'Intérieur pour l'église
d'Yssingeaux en cours de construction, il fut exposé dès
1831 au Salon de Paris et valu à l'artiste d'être
décoré de la Légion d'Honneur. Les amateurs
d'art admirèrent dans ce tableau " la composition,
la vigueur des tons, le fini de la carnation, la hardiesse du
pinceau ". D'autres y trouvèrent de " l'exagération
anatomique
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Un violent souffle
d'agonie
Un éminent critique d'art, M.-L. Giron,
avait publié une étude dont voici un extrait.
" Ce tableau a cinq mètres de haut, sur trois de large.
Pour fond, un paysage brossé par masses vaguement indiquées,
obscur, sinistre, selon les prédilections de Sigalon et le choix
tragique de ses sujets. C'est un fond violent à la scène
violente elle-même. Le Christ en croix occupe le milieu et toute
la toile en hauteur, avec cet éclairage central dont nous avons
encore retenu le souvenir et qui va se dégradant jusqu'aux extrémités.
Mais cette lumière ici ne semble rayonner que du corps divin,
car le ciel est d'un noir d'encre. Le Christ cloué des deux mains
et des deux pieds est lancé à droite, torse et draperie,
comme poussé par un violent souffle de mort. Il agonise dans
les convulsions finales d'une torture vulgaire, la tête retombée
sur le bras gauche, n'ayant rien en effet des noblesses d'un être
céleste. L'expression du visage est très souffrante, mais
très humaines. Les yeux torves jettent dans l'infini leur dernier
regard douloureux et suppliant ; la bouche desserrée, la narine
dilatée, les attaches gonflées du col révèlent
l'intensité de la lutte suprême. Les cheveux et la couronne
en broussaille laissent transpirer quelques rares rayons de nimbe, comme
les dernières effluves de la divinité qui se retire de
lui. Tout traduit :
" Mon Dieux, Mon Dieu
pourquoi m'avez-vous abandonné ? "
L'expert poursuit en ces termes : " Les quatre personnages accoutumés
sont au pied de la Croix : Saint-Jean debout, les trois femmes à
terre ayant cédé à la faiblesse de leur sexe. Saint-Jean
dans une draperie rouge, les deux bras tombant et les doigts entrelacés,
hausse la tête et fixe les yeux sur le crucifix avec une expression
de désolation poignante, mais contenue, ainsi qu'il convient
à un homme. Au pied de la croix, les trois femmes en des attitudes
abandonnées, sont disposées avec une admirable symétrie
et font au Christ comme un piédestal de grâce et de douleur.
La Vierge est jetée avec une fière ligne sculpturale d'une
simplicité superbe, le bras gauche pendant et la main reployée
sur le sol. Hors du manteau bleu rabattu et sous l'étroite robe
blanche, tout le corps se révèle avec des reliefs puissants
de genou, de hanche et d'épaule et qui ne font plus d'elle la
Sainte Vierge mystique, mais une sorte de cybèle païenne.
Elle a la tête renversée dans ses cheveux et dans son voile,
sur un genou relevé de Madeleine. La figure exsangue est bien
inanimée, lèvres entr'ouvertes et paupières closes
"
Après ces quelques lignes permettant de mieux comprendre la beauté
de l'oeuvre, les fidèles et les visiteurs désormais verront
sans doute ce tableau d'un il nouveau. G.L.
(1) Xavier Sigalon est né à Uzès dans le Gard
en 1787 et mort en 1837 à Rome des suites du choléra.
Le gouvernement l'avait envoyé au Vatican pour copier "
Le jugement dernier " de Michel-Ange. La manière dont il
s'était acquitté de cette commande lui avait valu les
félicitations du Pape. A noter que cette copie du jugement dernier
réalisée par Sigalon, est conservée à l'Ecole
des Beaux-Arts de Paris.
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