Il y a 100 ans, à l’époque du « délit d’enseignement clandestin »
Le parquet d’Yssingeaux avait effectué des « descentes » surprises chez les béates d’Alinhac et de Veyrines.
Inutile sans doute de rappeler ce que fut l’œuvre des petites sœurs des campagnes au XIXème et dans la première moitié du XXème. Dans les villages à l’époque, la maison d’assemblée était aussi celle de la « béate » : c’est comme cela qu’on les avait appelés un peu péjorativement à l’origine, mais le terme eut ensuite une dimension plus familière pour ne pas dire affectueuse compte-tenu du rôle d’éducation qu’elles jouèrent auprès des enfants et des femmes. La maison d’assemblée d’Alinhac témoigne de la richesse du patrimoine yssingelais.
En 1905, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat était passée par là. Et la République ne badinait pas avec la laïcité. Les béates étaient donc dans son collimateur. En témoignent les « descentes » surprises opérées au début de l’année 1910 par le parquet d’Yssingeaux. Les faits remontent au mercredi 15 février 1910. En début d’après-midi, un attelage en traîneau accompagné de deux gendarmes à cheval s’arrêtait devant l’assemblée d’Alinhac . Quatre hommes firent irruption dans la salle commune : MM. Masseran, juge d’instruction, Rouchon, substitut, Maître, inspecteur du primaire – un nom prédestiné ! – et Grousson, commis greffier.
Peines de principe
Un journal de l’époque rapporte alors qu’à l’intérieur, la béate était entourée d’une demi-douzaine d’enfants de cinq ou six ans et de quelques dentellières que le juge fit sortir et qu’un gendarme en faction tint à distance. Tandis que le juge procédait à l’interrogatoire de la béate et des petits, les autres visiteurs effectuaient une perquisition à la recherche de pièces à conviction. Mais ils ne trouvèrent qu’un chemin de croix, une statue, des chauffe-pieds, du charbon, et seulement « un vieux livre de calcul poussiéreux et tâché, des morceaux de crayons, des encriers vides, un livre de géographie, un catéchisme, des livres de messe, un livre de maître… » Deux fillettes apeurées s’étaient cachées dans le grenier avant de s’enfuir par une fenêtre, l’auteur de l’article ajoutant que « la bonne sœur se défendit énergiquement de faire la classe ».
Peu de temps avant, le 26 janvier, une incursion du juge avait eu lieu chez la béate de Veyrines, et c’est ainsi que les deux dames s’étaient retrouvées devant le tribunal où le procureur, M. Dabat, requit une condamnation sévère reprochant aux « gens bien pensants d’avoir des écoles où les béates menteuses enseignent aux enfants à travestir leur pensée ».
La béate de Veyrines était défendue par un avocat, Me Teyssier, et parmi les témoins en sa faveur figurait le vicomte de Vaux. Après délibération, le tribunal condamnait la petite sœur à 30 francs d’amende avec sursis. Aucune preuve formelle du « délit d’enseignement clandestin » ne fut retenue contre la béate d’Alinhac défendue par M. de Lagrevol, mais elle fut malgré tout condamnée à une peine de principe.
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